Fond d'investissement sur des critères sociaux et sociétaux

C'est un fond d'investissement d'un genre nouveau, puisqu'il sélectionne les entreprises sur des critères sociaux et sociétaux, en plus des critères financiers habituels. Son objectif : soutenir des projets qui n'auraient pas accès aux financements classiques et accompagner les dirigeants dans une démarche de responsabilité sociale.

Fondé sur le modèle des « social venture funds » anglo-saxons, intervient pour financer des entreprises à fort potentiel de croissance tout en tenant compte de critères extra-financiers sociétaux dans la sélection des investissements. Ces fonds, peu développés en France, financent des entreprises sur des marchés dits « underserved markets » (minorités, territoires défavorisés, etc) et délaissées par le capital investissement traditionnel. Des entreprises qui connaissent par ailleurs des performances satisfaisantes, au plan financier et extra financier, mais qui rencontrent souvent des difficultés pour passer à la vitesse supérieure. Difficultés dues aux barrières sociales, au manque d’accès aux réseaux, mais également au manque de temps et de moyens. Citizen Capital, qui constitue un des rares fonds en France à opérer sur cette niche, a pu être lancé grâce à 3 grands investisseurs, la CDC, la Banque postale et une filiale de la Caisse d’épargne. Et grâce également à la volonté de ses deux fondateurs : Laurence Méhaignerie, ancienne journaliste ayant travaillé avec Yazid Sabeg et l’Institut Montaigne sur les questions de diversité, à l’origine de la « Charte de la diversité » en 2004, et Pierre-Olivier Barennes, qui a travaillé pour le fonds d’investissement Bridgepoint.
Un investisseur actif
Pour atteindre son objectif, ce fonds investit donc sur des critères précis. Il s’agit soit d’entreprises situées dans des zones défavorisées (zones urbaines sensibles, zones rurales, etc), soit d’entreprises dont les dirigeants sont issus de l’immigration, ou ont reçu peu de formation initiale, soit d’entreprises dont l’activité a un impact positif pour la société, essentiellement un impact social ou sociétal. « Nous voulons démocratiser l’accès aux investisseurs et montrer que l’on peut être rentable tout en intégrant des critères non financiers », résume Laurence Méhaignerie. Mais ne se contente pas d’apporter un financement, le fonds accompagne également les entreprises dans une démarche de progrès, fondée sur des critères de responsabilité sociale. « Nous accompagnons les entreprises que nous finançons dans la définition de leur politique RSE, en discutant de ces sujets en amont de l’investissement, en leur proposant un diagnostic sur les enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et en jouant un rôle de support dans le mise en place d’un plan d’action. Il appartient à chaque entreprise de définir les axes sur lesquels elle souhaite travailler, nous leur demandons de renseigner quelques indicateurs de résultat dans le cadre d’un reporting extra-financier annuel, que nous jugeons clés sur les enjeux sociaux et sociétaux, tels que la formation des salariés, la rémunération ou encore la diversité et la non-discrimination, » explique Laurence Méhaignerie. Une aide « sur mesure », précieuse pour ces entreprises qui comptent entre une vingtaine et une centaine de salariés, et qui ne disposent pas toujours de l’expérience, du réseau ou du temps nécessaire.
L’exemple Rungis Nature
Capital Citizen a reçu 200 dossiers en 2009 et a rencontré une quarantaine de dirigeants. Le fonds, qui est encore émergent et bénéfice aujourd’hui de 13 millions d’euros, compte investir dans 3 à 4 entreprises par an. Dernier investissement en date, celui effectué pour 1 million d’euros dans Rungis Nature, grossiste de fruits et légumes bio. Deux critères ont joué, au-delà du potentiel de développement de l’entreprise sur ce marché en forte croissance (+ 70% entre 2005 et 2008) : le profil des dirigeants, issus de la diversité, et bénéficiant d’une expérience solide dans les fruits et légumes bio, et l’activité elle-même, compte-tenu de l’impact sociétal et environnemental important du bio. Rejoints en 2009 par Alexis Kryceve, ancien directeur général d’Alter Eco, les fondateurs de Rungis Nature privilégient les relations de long terme avec les producteurs et l’accompagnement dans le processus de conversion au bio, car les 3 années de transition nécessaires peuvent être délicates. « Il faut les aider à compenser la perte de chiffre d’affaires temporaire qui en résulte, explique Alexis Kryceve. Notre rôle, c’est de leur trouver des débouchés rapidement en attendant la fin de cette période, mettre en place des programmes d’achat et leur donner des perspectives dans la durée ». Des relations qui permettent de fidéliser les producteurs et de garantir un approvisionnement stable, un élément essentiel sur ces marchés émergents. « arrive au moment où l’entreprise est dans une nouvelle phase de développement et a besoin de se structurer, explique Alexis Kryceve. C’est un réel support pour nous, au-delà de l’apport de capital. Aujourd’hui l’entreprise connaît une forte croissance, la demande explose, mais il faut prendre le temps de réfléchir à l’avenir ». Car après les premiers millions d’euros de chiffre d’affaire, les questions de fond se posent, telles que «l’identité de l’entreprise, notre vision du bio, les relations avec les producteurs…, souligne Alexis Kryceve. Structurer ce qui était jusqu’ici informel devient indispensable ».
Véronique Smée
Mis en ligne le : 19/04/2010 pour en savoir plus

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